Analyse de réseaux : les logiciels




Les logiciels de statistique généralistes ne proposent pas encore, en général, de fonctions d’analyse de réseaux : celles-ci ont plutôt été développées dans et pour une communauté d’utilisateurs spécifiques [mise à jour : R propose de plus en plus de « packages » spécialisés dans l’analyse de réseaux, qui ne permettent toutefois pas encore de faire tout ce que font les logiciels spécialisés]. À noter qu’à notre connaissance, les logiciels spécialisés ne fonctionnent en général que sous Windows...

Généralités

Bien que son développement s’appuie sur une communauté (les nouvelles mesures décrites dans la littérature sociologique ou statistique y sont en général très rapidement ajoutées), le plus ancien, et encore très utilisé, logiciel du domaine, Ucinet, n’est pas libre. Cela dit, son prix reste modique (40 $ pour les étudiants à l’heure où nous écrivons) et une version plus ancienne (de 2003, voir en bas de cette page) peut être téléchargée gratuitement : elle suffit largement pour la très grande majorité des utilisateurs. Ucinet est assez « pousse-bouton » : ses menus sont plutôt clairs et son aide contextuelle (accessible à partir de chaque fonction) aussi. Elle renvoie aux articles classiques de l’analyse de réseaux pour la définition de chaque fonction. La prise en main est donc rapide dès lors que l’on connaît les bases de la méthode (après la lecture d’un manuel plus spécialisé que le nôtre, en gros).

Ucinet ne réalise que des transformations des données sous forme de matrices et des calculs sur ces matrices. Un module graphique, Netdraw, lui a toutefois été associé. Celui-ci est aujourd’hui complètement gratuit (mais pas libre) : on peut télécharger sa dernière version ici. Il est régulièrement amélioré, pensez à faire des mises à jour. Netdraw est un outil particulièrement simple à prendre en main. Il ne sait pas tout faire, mais peut faire beaucoup de choses utiles. À recommander pour l’exploration visuelle des données, quitte si vraiment nécessaire à utiliser un logiciel plus complexe pour produire ensuite de plus « belles » représentations graphiques en vue d’une publication.

Ucinet et Netdraw ont un très gros avantage : l’existence d’un manuel en ligne écrit par Robert A. Hanneman et Mark Riddle, qui présente à la fois l’analyse de réseaux et l’utilisation de ses logiciels, et qui est particulièrement pédagogique. Il existe aussi depuis 2009 un manuel introductif très précieux car rédigé en français !

Depuis quelques années, beaucoup de sociologues des réseaux se sont plutôt tournés vers Pajek. Il est vrai qu’il s’agit d’un logiciel libre, qui regroupe calculs et graphismes et propose des fonctionnalités bien plus avancées que Netdraw dans ce dernier domaine. Des modules spécialisés ont été développés pour permettre de récupérer sous Pajek des données de logiciels de généalogie, ce qui peut être utile en histoire (mais il faut être à l’aise avec Pajek pour s’y lancer).

Cependant, aborder Pajek sans suivre une formation semble difficile : le logiciel est plus touffu et emploie un vocabulaire très spécifique. On peut suggérer de commencer avec Ucinet et Netdraw, puis, si on constate que l’analyse de réseaux devient centrale dans sa recherche, de se former à Pajek. Beaucoup de documentation du Pajek est disponible en ligne, du tutoriel pour débutants aux développements les plus pointus, en particulier ici.

Mise à jour 2011 : un très bon tutoriel Pajek en ligne chez nos collègues de Quanti... qui pour le même prix rappelle les grands principes de l’analyse de réseaux.

À noter enfin, pour ceux qui veulent se lancer dans l’équivalence structurale (blockmodels), le très bon logiciel Blocks, qui est à la fois plutôt ergonomique (même si on se situe là dans des choses déjà avancées) et d’une qualité sans égal en termes de contrôle de l’élaboration et de la qualité du classement. Blocks, comme Siena décrit ci-dessous, fait partie du pack libre Stocnet. Les informations sont ici.

Représentations graphiques

En dehors du monde des sociologues des réseaux, la représentation graphique des liens intéresse bien d’autres acteurs – de Facebook aux moteurs de recherche, etc. D’où un foisonnement de logiciels ; il y a même chaque année des concours spécialisés dans ce domaine, où l’on teste la représentation du changement dans des réseaux sous forme de films, ou encore les outils de zoom à l’intérieur de réseaux immenses...

Pour s’y perdre, et peut-être s’y retrouver, on peut regarder la page spécialisée dans les logiciels de l’association internationale des réseauistes, et surtout aller voir du côté de spécialistes français des interfaces homme-machine qui ont réfléchi de façon très intéressante sur ces questions ces dernières années (parce qu’ils visaient l’ergonomie plus que le clinquant...), Jean-Daniel Fekete et Nathalie Henry. Jean-Daniel Fekete travaille sur la visualisation de données en général, y compris, en collaboration avec Nicole Dufournaud, sur des langages informatiques permettant de saisir de façon indexée des sources historiques pour ensuite construire éditions scientifiques ou représentations plus originales. Nathalie Henry a fait sa thèse sur la visualisation de réseaux sociaux, et elle a créé des outils impressionnants qui rendent une matrice plus lisible qu’un graphe...

Ils faisaient partie des intervenants de cette journée d’études fort intéressante – n’hésitez pas à contacter les autres non plus... ou à cliquer ici pour avoir une idée de ce qui a été montré.

Mais surtout, allez lire ici ce qui est pour l’heure sans doute la meilleure synthèse (et en français, en plus !) sur les problèmes posés et les solutions envisageables en matière de visualisation des réseaux. Et si cela vous a convaincus, essayez le logiciel correspondant : les infos sont ici (nous sommes en train d’essayer, nous vous tiendrons au courant...).

Dynamique

L’analyse dynamique des réseaux sociaux, telle que présentée dans notre « Repères », nécessite de recourir à une suite logicielle libre appelée Stocnet, qui comprend notamment Siena. Siena a été créé pour cette analyse dynamique ; il permet également de réaliser une description avancée d’un réseau en un instant donné, par la méthode appelée ERGM. Ces méthodes seront présentées à Paris le 25 mars 2008 par Paola Tubaro ; elles le sont également très bien dans la récente réédition du « Que sais-je ? » d’Emmanuel Lazega, Réseaux sociaux et structures relationnelles.

Stocnet propose aussi d’autres fonctions plutôt avancées en analyse de réseaux, dont nous n’avons testé pour l’instant que Blocks, une variante très fine et intelligente de l’analyse en termes d’équivalence structurale – là encore, cela s’adresse à des chercheurs avancés : même pour lire les manuels des différents logiciels de Stocnet, mieux vaut ne pas être débutant en termes de logiciels de statistiques et de réseaux.

Stocnet peut être téléchargé ici  ; la page consacrée à Siena donne accès à beaucoup de matériel complémentaire ; quoiqu’il s’agisse pour partie de tutoriels, on reste dans le haut niveau. Tom Snijders, le principal créateur du logiciel, très désireux qu’il soit utilisé en sciences sociales, est toutefois toujours disposé à aider les débutants, et des stages de formation sont régulièrement organisés, au cours desquels on travaille sur ses propres données.